Il y a peu encore, je disais que j'avais eu de la chance et que mon enfance avait été harmonieuse, douce et tranquille, que les choses ne s'étaient gâtées et compliquées qu'après, lors de mon adolescence.
Mais j'ai appris, puis compris ces derniers mois que ce n'était pas le cas, que j'avais caché et enfoui mes souffrances pour ne plus les voir, ne plus y penser, jusqu'à les oublier totalement, du moins en conscience, pensant qu'ainsi elles n'existeraient plus, et que j'avais depuis appris à m'adapter à ce qu'on voulait de moi, pour ne pas revivre de telles souffrances.
Mais c'est sans compter les dégâts inconscients que cela a créé. Avec cette méthode j'ai étouffé mon vrai moi qui ne demandait qu'à vivre, rire, danser, chanter et profiter de la vie dans la joie. Je suis devenue celle qu'on attendait de moi, différente selon mon interlocuteur, mais gentille, travailleuse, accueillante et surtout à l'écoute, faisant toujours passer le bonheur de l'autre avant le mien et cachant systématiquement mes parts d'ombres et tout ce qui, de moi, pourrait ne pas plaire.
Et le summum de tout cela, avant l'explosion provoquée par la rencontre avec mon jumeau, je suis allée jusqu'à créer mes différentes personnalités en profil Facebook, pour pouvoir les vivre, virtuellement bien sûr, mais c'était mieux que rien, tant ça commençait à bouillonner à l'intérieur. Il fallait que ça sorte. Il fallait qu'elles s'expriment...
Et puis mon autre est arrivé et c'est le seul à avoir aimé chacune de ces personnalités, sans comprendre dans un premier temps, qu'il s'adressait toujours à la même personne, ni pourquoi soudain il était attiré par plusieurs personnes. Il était déstabilisé mais ne cachait rien. Il disait à l'une qu'il aimait l'autre aussi, de façon différente, mais qu'il l'aimait aussi. Et moi, je lui disais tout... un peu par l'une, un peu par l'autre, mais tout... Il connaissait tout de moi, mes ombres comme ma lumière, à part que je n'étais qu'une et seule personne.
Quand consciemment il a eu des doutes, il est parti, me laissant face à moi-même, face à toutes ces ombres que lui seul avait aimées et acceptées, une à une avec sincérité.
Lorsqu'il est revenu quelques mois plus tard me dire qu'il aimait tout particulièrement l'une d'entre elle, qu'elle lui manquait et qu'il voulait tenter de rester et construire quelque chose avec elle, il ne me fit aucun reproche. J'avais beaucoup réfléchi de mon côté en son absence et il était temps pour moi de tout lui avouer. Il devait savoir qui j'étais vraiment. Me voilà donc découverte, nue face à cet être si différent de tout ceux qui avaient traversé ma vie, le seul avec qui je me sentais si bien, dans n'importe quelle peau, dans n'importe quel personnage, le seul qui me connait vraiment et même mieux que moi-même.
Il fut sous le choc, eut quelques mots durs qui furent pour moi un électrochoc salutaire. Et puis il m'a pardonné et les mois qui ont suivi ont été plein de magie.
Malheureusement bien qu'acceptée telle que j'étais, totalement, je n'ai pas réussi à changer mes habitudes d'un seul coup. J'ai donc petit à petit agi avec lui comme avec tout le monde en essayant d'anticiper ce qu'il attendait de moi et de m'y conformer. Alors il est reparti...
Cette nouvelle phase de retrait de sa part fut longue et le manque qui s'ensuivit dans mon coeur me fit réagir et transformer une première partie de moi. Elle fut cependant bénéfique, me faisant prendre conscience du lien particulièrement fort entre nous deux. Un lien présent pour nous faire grandir, moi en particulier.
Quand il est revenu j'avais évolué, mais je n'avais pas encore pris conscience de ma véritable façon de fonctionner. Je savais que je faisais des erreurs, mais sans savoir lesquelles, et par conséquent ne pouvais pas vraiment me corriger.
Alors après quelques mois de nouveaux échanges, il est reparti et moi qui pensais, avoir bien évolué et ne vouloir que son bonheur, je me suis effondrée après avoir pourtant bien résister durant les premières semaines, comprenant cette fois-ci que s'il était reparti c'était parce qu'il y avait encore du pain sur la planche.
Tout ça pour vous dire que l'enfance laisse des traces, chez certains plus que chez d’autres, et qu’il est nécessaire à un moment donné d’effectuer de grands nettoyages pour pouvoir retrouver la joie de vivre qu’on a un jour abandonné pour se conformer aux normes familiales, religieuses, professionnelles et sociétales.
Le but n’est pas de passer d’une extrême à l’autre, bien sûr, mais de trouver l’équilibre nous permettant d’être heureux.
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